JOEL ESPI

LES NÉGRIERS — DE L’HORREUR DE L’ESCLAVAGE À L’HORREUR GORE

ESSAY

Si le film Les Négriers (Addio zio Tom, IT 1971) est censuré lors de sa sortie, c’est non seulement à cause de sa forme, violente et crue, mais aussi parce que les réalisateurs italiens Franco Prosperi et Gualtiero Jacopetti charrient avec eux depuis des années un parfum de scandale. La polémique soulevée par ce film évoquant la traite négrière n’est en effet qu’un scandale de plus dans la courte filmographie de la paire. Pour bien comprendre ce film, dont Roger Ebert, célèbre critique américain du Chicago Sun-Times, dira qu’il constitue «sous couvert de documentaire, la plus dégoutante et méprisante insulte jamais faite à la décence»1, il faut se replonger dans la filmographie des deux compères.

Un nouveau monde

Dès leur premier film, Mondo Cane (IT 1962), réalisé avec Paolo Cavara, Prosperi et Jacopetti inventent un nouveau genre, le «mondo». Ils posent aussi les bases de quantité de films trashs qui verront le jour dans les décennies qui suivent, et d’une certaine esthétique de l’horreur et du gore. Mondo cane, traduit en français par Cette chienne de vie, est le tout premier ‹shockumentary›2 , un documentaire provoquant constitué de saynètes relatant les coutumes les plus primaires et barbares à travers le monde. On y voit des asiatiques manger des chiens, des indigènes se faire courser par des femmes avides de sexe, ou encore des Italiens s’administrer des saignées le jour de Pâques, avant de défiler fièrement ensanglantés dans les rues de leur village. Le tout avec force animaux égorgés et impudeurs en tout genre.

Bien qu’il soit rempli de cynisme, et surtout d’une sorte de racisme au second degré envers les populations indigènes, le film fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes de 1962. C’est là que les premiers scandales arrivent et que la critique s’emporte. Là aussi qu’Yves Klein, peintre admiré et connu pour son utilisation du bleu, se voit notamment moqué dans Mondo cane. Sa performance Anthropométrie de l’époque bleue3, qui utilise les corps comme des pinceaux, est dénaturée à l’aide d’un montage lubrique et des commentaires sarcastiques sur cet étrange «peintre tchécoslovaque»4. L’artiste en fera un malaise durant la projection, puis succombera à une crise cardiaque quelques semaines plus tard.

Always More

Un autre aspect fondateur, et que l’on retrouvera dans Les Négriers, est la collaboration avec le compositeur Riz Ortolani, adepte des mélodies doucereuses apposées sur des images ultra-violentes. Le musicien italien a composé la musique de plus de deux cents films, dont celle, devenue culte, de Cannibal Holocaust (IT 1980). Composée pour Mondo cane, Ti guardero nel cuore sera adaptée en anglais sous le titre More. En 1964, More sera sélectionnée pour l’Oscar de la meilleure chanson originale, et décorée d’un Grammy. Sur la jaquette de la vidéo de Mondo cane, il sera d’ailleurs écrit que le film a gagné cet Oscar, alors qu’il avait juste fait l’objet d’une nomination. La vérité, la fiction, les ‹documentaristes› Prosperi et Jacopetti s’en soucient peu à vrai dire. Les accusations de mises en scènes, voire de mensonges, pèsent sur tous leurs films: La femme à travers le monde (La donna nel mondo, IT 1963), Monde cane 2 (IT 1963), Adieu Afrique (Africa addio, IT 1966). C’est justement au sujet de ce ‹chocumentaire› que viendront les critiques les plus violentes, et même les démêlés avec la justice. Adieu Afrique relate comment le continent en phase de décolonisation, abandonné par les Européens, est en proie aux violences et aux guerres civiles.

«Ce film dit simplement adieu à la vielle Afrique, et dresse pour le monde un portrait de son agonie»5, telle est la dernière phrase de l’introduction, prononcée par la voix off de la version anglaise du film. Une posture floue, qui navigue entre condescendance et naïveté, à moins que ce ne soit, encore une fois, le cynisme. Le film, qui nous fait voyager entre le Congo, l’Ouganda ou encore le Kenya, aligne les malaises, les scènes ultra-violentes, les cadavres. Le duo ira même jusqu’à filmer l’exécution d’un rebelle Simba au Congo. À la suite de cette séquence, Jacopetti est accusé d’avoir organisé l’exécution afin de la filmer. Il sera finalement innocenté devant un tribunal, non sans avoir dû prouver que l’équipe de tournage était arrivée peu de temps avant l’exécution.

Adieu Afrique, adieu la paix

Les accusations de racisme envers le documentaire vont logiquement s’accumuler. Un mouvement lancé par les étudiants africains d’Allemagne naîtra en Allemagne de l’Ouest, alors qu’Adieu Afrique est programmé au Filmbewertungsstelle Wiesbaden. La décision de déprogrammer le film sera prise après que des salles de cinéma ont été endommagées. Il sera également interdit en Grande-Bretagne et en France, deux pays pris dans la décolonisation africaine. On retrouve dans Adieu Afrique la photographie d’Antonio Climati. Des images alternant avec agilité entre plans larges tournés à l’hélicoptère et séquences au grand-angle, souvent en léger contre-plongée, Climati multiplie les gros plans sur les visages, les bouches, les dents, ainsi que les plans audacieux, tels les zooms et dézooms chers aux années 1970, les travelings ou les panoramiques nerveux. Les scènes violentes et crues bénéficient du même traitement, et chacune d’elle la met en scène frontalement et avec dextérité. Des macaques pendus dévorés par les vers, les dizaines de mains coupées entassées, des cadavres noyés flottant dans la seule source d’eau potable de la région. Les massacres ont droit au même soins esthétiques que les scènes les plus banales.

Ce rapport au réalisme et à cette violence survient toujours concomitamment à une certaine lubricité. C’est justement durant la colonisation, au 19e siècle, que les mythes sur la sexualité débridée des Africains, sur la qualité de leurs relations sexuelles et sur le sexe imposant des hommes noirs sont nés6. Il n’en a pas fallu beaucoup au colonisateurs puritains, chrétiens peu habitués à la chaleur, pour que leurs propres fantasmes soient rapidement alimentés par la vue d’hommes ou de femmes athlétiques et partiellement dénudés. Ces mythes sur les amants musclés et bien membrés sont d’ailleurs tenaces. L’Afrique occupe aujourd’hui le haut du classement des destinations les plus prisées pour le tourisme sexuel.7 Dans Adieu Afrique, l’‹africanité›8 est aussi exposée dans ses paradoxes plus modernes. Ce sont les Noirs de l’Afrique ancienne qui, comme les ‹Sauvages› de Mondo cane, ne font preuve d’aucune pudeur. Tandis qu’ils massacrent des éléphants à coup de lances, d’autres Noirs, habillés de treillis militaires cette fois, mènent des guerres civiles, des répressions sanglantes, s’entretuent. Prosperi et Jacopetti font constamment s’entrechoquer ces deux visions de l’Afrique, confrontent la violence de l’état de nature, plutôt noire et tournée vers les animaux, avec celle de la société moderne, bien plus blanche. Et c’est justement ce que les Blancs ont apporté en Afrique qui semble être à l’origine de sa ferveur autodestructrice. Des prémisses probablement nécessaires pour comprendre Les Négriers, ainsi que son idée initiale, qui était de disculper ses réalisateurs des précédentes accusations de racisme.

Une réponse incomprise

Les Négriers nait ainsi comme une réponse à Adieu Afrique et son accueil virulent dans plusieurs pays, notamment au Brésil. C’est pourtant là que les deux réalisateurs décident de tourner en partie ce faux documentaire (assumé, cette fois-ci), censé téléporter par hélicoptère les deux réalisateurs dans l’Amérique esclavagiste du 19e siècle. Mais la réputation sulfureuse de Prosperi et Jacopetti les précède. À New York, les autorités brésiliennes sont là pour les accueillir, et leur refusent l’accès au pays. Grâce à leur producteur, l’équipe finit par se rabattre sur Haïti, alors contrôlée d’une main de fer par le dictateur adepte de vaudou François Duvalier. Celui qu’on surnomme ‹Papa Doc› va les accueillir avec tous les honneurs: voitures diplomatiques, circulation à loisir dans toute l’île, nombre illimité de figurants à disposition. Il faut dire que le travail du duo est apprécié sur l’île. Dans le documentaire The Godfathers of Mondo (USA 2003), le producteur raconte que lorsque Jacopetti entrait dans un piano bar, le pianiste s’interrompait et commençait à jouer More, le fameux morceau composé par Riz Ortolani pour Mondo cane. Pour le tournage, on retrouve l’équipe constituée au cours des années précédentes. Angelo Rizzoli, producteur d’Adieu Afrique mais également de La dolce vita (FR, IT 1960) et Huit et demi (Otto e mezzo, IT 1963), les films de Federico Fellini. On retrouve Claudio Cirillo à la photographie, ainsi qu’Antonio Climati et Benito Frattari, qui avaient eux aussi pris part à Mondo cane. Et comme dans les films précédents, le montage est assuré par Jacopetti.

Le film démarre étrangement, avec ce vol en hélicoptère-machine à remonter le temps censé survoler des plantations situées dans l’Amérique du 19e siècle. Les deux réalisateurs s’entretiennent ensuite directement avec une tablée d’aristocrates propriétaires de plantations, en train de dîner. La maîtresse des lieux présente, avec une évidence déconcertante, les deux réalisateurs comme étant des journalistes venus enquêter sur l’esclavage, une pratique «qui semble peut-être même ne pas leur plaire»9, s’étonne une convive. Et qui sait, ces deux Européens ne seraient-ils pas également esclaves? «Esclaves de leur fascination pour les pêchés», plaisante-t-on autour de la table. Et la maîtresse de maison de rappeler à l’ordre, précisant que les deux documentaristes peuvent circuler librement sur sa propriété, avant de donner des restes de poulet rôti à deux enfants esclaves, reclus comme des toutous sous la nappe. Le ton du film est donné dès cette première scène. Cynisme, cruauté décomplexée, violence morale et physique des Blancs envers les Noirs, le tout sans filtre pour les protagonistes, ou les réalisateurs. Après un court retour dans le présent, où l’on voit des Afro-Américains récolter les os d’anciens esclaves abandonnés dans des charniers, le film démarre enfin dans son propos, sur un bateau négrier. L’horreur prend très vite place: des centaines d’esclaves enchaînés au fond d’une cale à l’odeur nauséabonde et remplie de rats. Les dysentériques sont traités à coup de bouchons anaux, tandis que les dents à soigner s’arrachent au burin, avec force giclures de sang et cris de bêtes. Tous les esclaves sont enchaînés des pieds à la tête, sans avoir ne serait-ce qu’un membre libre pour manger.

Durant la quasi-totalité du film, les esclaves n’ont pas droit à la parole, sûrement pour coller à leur statut supposé de créatures sans âme. Les Noirs ne s’expriment que par les bruits les plus rudimentaires, comme les cris de douleurs ou, plus rarement, le rire. Ce sont toujours les Blancs qui parlent, commentent, vocifèrent. L’un des seuls Noirs à prendre la parole durant tout le film est un nain un peu bouffon vêtu comme un Blanc. Les Africains ne sont que des corps athlétiques, la plupart du temps nus, auscultés par un vétérinaire [sic] à leur arrivée au marché des esclaves, nourris comme des troupeaux à la spatule ou dans des mangeoires. Certains sont même émasculés afin d’éviter qu’ils ne se reproduisent trop vite. A travers ces corps, les réalisateurs en profitent pour passer en revue tous les clichés liés à la sexualité africaine. Avec force regards caméras et démonstrations tactiles, des Blancs en sueur ergotent sur la sensualité noire, la fermeté de leur peau, leur fertilité animale, et disposent ainsi librement de ces corps dénudés. Les scènes de viol s’additionnent, avec des Blancs débarquant en pleine nuit dans un grange et se servant de femmes apeurées, mais également en fin de film. On assiste alors au dépucelage d’une fille de douze ans par un Africain idiot de près de deux mètres. Encouragé par son maître, qui dans l’une des versions du film passe la main sur son imposant membre, il sert à la reproduction, comme s’il eut s’agit d’une bête de somme.

Une colère noire

A l’instar des précédents opus du duo, le film n’a pas de narration continue. Il est constitué d’une série de saynètes durant lesquelles des Blancs justifient leur supériorité sur les esclaves, par le truchement de la religion, de la science, ou simplement par des constatations empiriques. Mais à la fin du film survient un revirement de situation. De la masse d’esclaves de la période du 19e siècle, on passe à un seul acteur noir évoluant dans la période contemporaine à celle du film. Cet homme, que l’on pourrait aisément identifier comme un descendant de la jeune vierge violée dans la scène précédente, a dans son regard une colère qu’il ne s’embarrasse pas de dissimuler. L’Afro-Américain a avec lui un livre dont il lit des extraits. Il s’agit des Confessions de Nat Turner. Turner était un esclave illuminé, persuadé d’avoir été investi par Dieu d’une mission libératrice pour son peuple. En 1831, l’esclave mène une révolte sanglante et conduit au massacre de dizaines de Blancs. Ses propos sont non seulement repris dans l’épilogue des Négriers, mais également dans le fantasme de massacre du lecteur, qui s’imagine l’assassinat par des frères de couleurs d’une famille blanche. L’ironie finale tient dans le fait que cette scène revêt un côté cathartique. Voir des Blancs payer, en quelque sorte, pour les violences que le spectateur vient d’observer durant deux heures confine à la jubilation.

Le scandale était presque inévitable. Les censeurs ne goutent que très peu les théories racistes du film, même si celles-ci étaient exposées par des acteurs, et malgré les avertissements des deux compères en début de film. En octobre 1971, à Bologne, des universitaires de gauche manifestent devant les cinémas afin d’empêcher les spectateurs de pénétrer dans les salles10. Le documentaire est rapidement retiré de la distribution, interdit et mis sous scellé. Il devra être entièrement remonté et ressortira en Italie une année plus tard sous le nom de Zio Tom. Il paraîtra sous plusieurs versions plus ou moins adoucies. Le montage américain débutera avec l’enterrement de Martin Luther King, assassiné en 1968, et que l’équipe des réalisateurs aurait elle-même filmé. Après Africa Addio, les deux réalisateurs ont donc une nouvel fois touché une partie sensible de l’histoire des Noirs, de l’Histoire en général. La crispation autour du film Les Négriers provient sûrement aussi du fait que Prosperi et Jacopetti, tout comme dans leur documentaire sur l’Afrique, n’hésitent pas à évoquer les thématiques brûlantes, trois ans seulement après le meurtre de Luther King, cinq ans après l’apparition du mouvement Black Power. Mais surtout, les deux réalisateurs ont un don indéniable pour mettre le spectateur face à l’horreur par le truchement d’un réalisme très esthétisant. Dans Mondo cane, le duo mêlait habilement violence et légèreté, de sorte qu’il parvenait d’une certaine manière à retranscrire ce qu’il évoquait depuis ses débuts: le monde. Ce monde des Trente Glorieuses, qui semblait avoir oublié la guerre et le fascisme grâce au consumérisme et, surtout, à une paix présumée tant que la guerre avait fui l’Europe. C’était sans compter sur le cinéma italien, l’éclosion du cinéma d’exploitation et du gore.

L’horreur dans toute sa beauté

Ce qui ajoute encore au malaise ressenti face aux Négriers, c’est sa réalisation, à nouveau excellente en tous points grâce, notamment, à la photographie de Claudio Cirillo. La composition des images est toujours très soignée, la lumière gérée parfaitement, le propos imagé de façon limpide. Les figurants, que l’on devine amateurs, sont toujours concentrés sur leur rôle et appliqués. L’utilisation des caméras grand angle ajoute à l’horreur des situations et au dégoût qu’inspirent la plupart des scènes. Jacopetti use et abuse du montage des attractions, c’est-à-dire l’enchaînement d’une scène alors que l’impression de la précédente demeure encore. Le duo maîtrise l’art des contrastes soudains, des passages entre les valeurs de plans, entre les types de scènes et de personnages. Les deux réalisateurs n’hésitent jamais à montre la nudité svelte des esclaves, afin de mieux illustrer le contraste avec l’apparence engoncée et grasse des propriétaires de plantations. Et quoi de mieux qu’une musique douce comme celle d’Ortolani, jouée sur une scène très violente, pour déchirer le cœur du spectateur ou susciter la nausée?

Au cours de leur carrière, les trois chefs opérateurs de Mondo cane, Paolo Cavara, le troisième réalisateur partis de son côté après Mondo cane 2, tout comme Riz Ortolani bien entendu, participeront tous à des films d’horreur. Le compositeur a d’ailleurs réalisé la musique du cultissime Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato. On peut trouver dans ce film nombre de similitudes avec le mondo. Tout d’abord l’ouverture du film qui, comme dans Les Négriers, commence avec une musique douce et des plans de forêt filmés à l’hélicoptère. Ensuite, le rapport au Sauvage à l’altérité, celle d’un peuple primitif découvert par des documentaristes (qui finiront massacrés). Finalement, une frontière floue entre réalité et fiction. Les snuffs d’animaux dont ont usé jusqu’à l’écœurement Prosperi et Jacopetti se retrouveront dans Cannibal Holocaust. De façon ironique, les rumeurs de meurtres lancées dès la sortie du film, ainsi que les polémiques sur les meurtres d’animaux durant le tournage, participeront à son succès.

Des fans et des héritiers

Le genre mondo a donné lieu à une kyrielle de films aux titres plus explicites les uns que les autres, tels que Mondo trasho (USA 1969), Mondo topless (USA 1966), Shoking Asia (ALL 1975), Faces of death (USA, JAP 1978) ou Nudo e crudele (IT 1984), mêlant à peu près tous nudité et mort, réelles ou simulées. Dans les années 1960 et 1970, on trouve bien entendu le goût de l’Italie pour le scandale, avec l’arrivée du ‹Giallo› de Dario Argento ou Mario Bava, puis du gore de Ruggero Deodato ou d’Umberto Lenzi, et les rappels violents de la période fasciste avec des films comme Salò ou les 120 Journées de Sodome (IT 1976) de Pier Paolo Pasolini. Tous ces réalisateurs ont pris plaisir à mélanger horreur et érotisme. Les légendes autour des ‹snuff movies› occuperont également les discussions des adolescents des années 1980 et 1990, et plus tard les réseaux sociaux, jusqu’aux récentes exécutions publiées par l’État islamique diffusées partout dans le monde. Visuellement, c’est également dans le cinéma d’exploitation, d’horreur et gore, que l’on retrouve des techniques d’image similaires. On peut voir l’utilisation du grand angle accentuer le malaise ou le sentiment d’étrange dans des films tel que The Evil Dead (USA 1981), Possession (FR, ALL 1981) ou The Revenant (USA 2015).

Nicolas Winding Refn a remis Les Négriers sur le devant de la scène dans le cadre de plusieurs événements, notamment du Festival Lumière de 2015. Passionné par le mondo, il avait utilisé More dans le film Drive (USA 2011). Un moyen de montrer que sous un aspect calme et paisible peut se cacher une violence crue? Dans un entretiens à l’occasion d’une interview pour le BFI Film festival en 2015 également, le réalisateur danois a vanté les qualités esthétiques des Négriers tout en expliquant que «beaucoup des dialogue des films ont été utilisés par des réalisateurs ces dernières années»11. Une façon d’expliquer que le film, aussi choquant que soit-il, comporte des qualités cinématographiques évidentes. En 2010, l’ex-chanteur de Faith No More, Mike Patton, alors marié à une Italienne, sort un album de reprises de chansons italiennes des années 1950 et 1960 intitulé Mondo cane. Difficile de croire à une coïncidence, alors qu’un globe est représenté sur la pochette de l’album, avec l’Europe, mais surtout l’Afrique, mises en évidence par un jeu de couleurs et de placement au centre de l’image.

Quentin Tarantino, lui-même connaisseur de cinéma d’exploitation italien et admirateur de Riz Ortolani, a utilisé plusieurs de ses compositions dans ses films. Avec Django Unchained (USA 2012), il évoquait l’histoire de la vengeance d’un ancien esclave noir (et seul) sur de riches Blancs propriétaires de plantations. Tarantino n’a d’ailleurs pas manqué de provoquer une polémique avec son film, lui-même inspiré d’un western spaghetti jugé comme l’un des plus violents du genre. Dans Django Unchained on pouvait entendre constamment le terme ‹Nègre›. Un mot tabou, interdit, utilisé librement aussi dans le film Les Négriers, et qui n’a pas manqué de choquer, même s’il n’a de loin pas conduit à l’interdiction du septième opus de Tarrantino. Cinquante ans plus tard, il semble que l’Amérique peine encore à vivre avec son passé esclavagiste, tout comme l’Europe avec la colonisation. Un argument en faveur des Négriers – film qui serait aujourd’hui impossible à réaliser et qui, aussi violent et ambigu que soit-il, a le mérite de pointer les errances d’une partie de l’humanité.

Farewell Uncle Tom, Roger Ebert (1972), https://www.rogerebert.com/revie...

Mondo New York (1988), New York Times, cité par Wikipedia.

Performance d’Yves Klein réalisée en 1960, durant laquelle il utilisait des corps de femmes enduites de peinture bleue comme pinceaux. L’œuvre est bien réelle et se trouve actuellement au Centre Pompidou à Paris.

Mondo cane (IT 1962).

Adieu Afrique (IT 1966).

La sexualité noire est un mythe, Slate Afique, http://www.slateafrique.com/1500...

Les plus grandes destinations du tourisme sexuel en Afrique qui sont les plus prisées au monde, rumeursdabidjan.net, http://www.rumeursdabidjan.net/i...

Terme utilise notamment par Léopold Sédar Senghor, qui la définit comme «un groupe de valeurs communes aux plus anciens habitants de l’Afrique».

Les Négriers (IT 1971).

Luca Martera, Jacopetti and censorship, cinecensura.com, http://cinecensura.com/wp-conten...

Nicolas Winding Refn introduces Farewell Uncle Tom, https://www.youtube.com/watch?v=...

Joel Espi
Videojournalist, Autor, Fotograf und vieles Anderes. Während den letzten zehn Jahren bei diversen Medien in der Schweiz tätig. Lebt in Vevey.
(Stand: 2021)
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