FREDDY LANDRY

CINÉMA FRANCOPHONE

ESSAY

Ressemblances avec le cinéma flamand

Pourquoi ce qui fonctionne d'un côté ne le ferait-il pas de l'autre, même si le «coupable» n'obéit pas parfaitement à tous les traits du portrait-robot?

Ils sont quelques-uns, parmi les francophones, à faire la même chose que leurs confrères flamands. Pour la télévision, Paul Roland a tourné Le bas blanc, histoire en costumes qui fait penser au cinéma roumain fuyant les réalités contemporaines dans les artifices de décorateur. Jean-Pierre Berkmans se saisit d'un texte de Françoise Mallet-Joris, fait appel à quelques acteurs français pour que fonctionne la co-production de La chambre rouge qui semble se dérouler de nos jours à Namur, ville et alentours mal montrés, environnement humain et social caricaturé par manque de force dans la mise en scène. Succès commercial: un érotisme de salon littéraire parisien y apporte le piment qu'il fallait, dans l'esprit d'Emmanuelle avant Emmanuelle, avec jeune fille amoureuse de sa belle-mère qui lui vole son amant, metteur en scène de théâtre aux fantaisies agaçantes et au talent discutable.

Les sujets graves escamotes

Flandres d'un côté, Wallonie de l'autre, avec Bruxelles qui tente de vivre les deux cultures: le problème linguistique belge est parfois le paravent qui masque des réalités économiques dures, un changement de rapport de force entre deux communautés. Ce conflit est presque totalement absent du cinéma belge, du moins des films que nous aurons vus à Bruxelles. A peine l'aperçoit-on dans La cage aux ours quand Handwerker fait apparaître l'inspecteur de police en civil qui tente de faire pression sur les parents d'un jeune gauchiste et qu'il l'affuble d'un accent flamand, ce qui a été particulièrement apprécié des Flamands!

Il y a quelques jours, la télévision romande a présenté un sujet de la télévision francophone belge sur des «femmes-machines» en grève sauvage, deux mille cinq cents, dans une usine d'armements, ce mouvement n'étant pas le premier. Elles doivent se battre sur plusieurs fronts, contre la direction de l'entreprise qui a augmenté le salaire des hommes et pas celui des femmes, contre des cadences qui ont doublé en quelques années, et contre les syndicats qui refusèrent tout d'abord de les faire bénéficier du fond de soutien aux grévistes. Une virtuosité verbale étonnante, une agressivité déroutante dans la revendication, un entretien sans complexe avec le directeur de l'usine après la défaite lors de la reprise du travail, un humour destructeur indispensable pour «tenir le coup», tout cela surprend, étonne, frappe par sa nouveauté. Des conflits durs comme celui-là, il doit y en avoir d'autres encore en Belgique. Le cinéma fait un silence à peu près total à leur propos, les flamands empêtrés dans leurs films à costumes, les francophones on ne sait pas très bien pourquoi.

L'opposition linguistique avec tout ce qui se cache derrière, certains conflits sociaux durs sont absents du cinéma belge.

Un peu de diversité

On peut percevoir ici ou là quelques échos du temps présent dans le cinéma francophone: la médiocrité satisfaite d'elle-même de la moyenne et petite bourgeoisie coromer-çante, artisanale et ouvrière, le conflit des générations, le repliement sur soi, le peu d'ouverture sur le monde extérieur.

Dans La cage aux ours, Marian Handwerker montre les déboires d'un épicier qui va perdre son échoppe car la maison où il vit doit faire place à une construction moderne, aux prises avec sa femme lasse de leurs faux rapports, avec ses enfants, qui ne comprend pas son fils politiquement engagé alors qu'il se saigne pour lui payer des études. Une schématisation du scénario qui classe les gens en deux camps, les Bons (jeunes gauchistes politiquement combatifs) et les Mauvais (tous les autres) permet de ranger La cage aux ours dans la catégorie des films conformistes qui donnent bonne conscience à leurs auteurs et devraient les faire valoir dans les salons des intellectuels mondains de gauche. Il y a dans ce film quelques très belles séquences tournées lorsque l'opérateur ne pouvait pas poser sa caméra sur un pied, où la vie brusquement apparaît, brisant la composition d'un scénario trop intellectualisé.

Dans Les belles manières tourné par Pierre Manuel pour la télévision francophone apparaissent les mêmes personnages, sans le propos politique préalable. Le fils cette fois est éducateur qui applique des méthodes d'avant-garde, se fait congédier, accepte après moultes hésitations une place de représentant de commerce qui vend en équipe des produits avec des méthodes frisant l'escroquerie, qui finira par se marier avec la jolie fille enceinte de lui. Les maladresses de la mise en scène et du dialogue privent un film au sujet intéressant de toute force.

Dans Home sweet home de Benoît Lamy, une certaine mièvrerie ne masque pas entièrement la discrétion qui permet au cinéaste d'assez bien poser certains problèmes du troisième âge.

D'un oiseau, d'un chat et de beaucoup de confusions

On attendait beaucoup à Bruxelles de la première d'un film réalisé pour la télévision par Pierre Mertens et Jean-Jacques Péché, Histoire d'un oiseau qui n'était pas pour le chat. Le second, qui tourna de nombreux documentaires, s'était fait connaître pour une tentative de fictiori/document inspirée partiellement de Charles mort ou vif, Stress.

Mais la nouvelle entreprise s'avère boiteuse, au niveau du scénario déjà. Une jeune ouvrière participe à un concours élirninatoire régional pour l'élection de Miss Belgique. Avec quelques autres, elle est retenue pour la finale lancée sur le plan publicitaire lors d'un voyage organisé au Maroc. Au retour, un commando palestinien détourne l'avion qui transporte les jeunes femmes, l'oblige à se poser à Cointrin, libère les passagers et fait sauter l'appareil. La jeune femme prend alors conscience d'un problème qu'elle ignorait jusqu'ici et refuse de participer au concours en prenant la fuite au dernier moment.

Tel n'est pas le résumé du film réel. Tout à fait arbitrairement, les auteurs introduisent par un montage parallèle une institutrice palestinienne qui enseigne dans un camp, associent à un fusil de fête foraine en Belgique celui d'un combattant palestinien, à des mains liées d'amoureux des mains jointes de gosses en Palestine, à un oiseau qui s'envole la traînée laissée par un avion ainsi marqué du destin qu'il connaîtra plus tard. Ces effets de montage sont lourds. Le film oppose l'indifférence du capitalisme de consommation en Belgique à i'angélisme des Palestiniens qui défendent leur juste cause. Ainsi le fait-on dans n'importe quel film de propagande de n'importe quel régime. Que cela fonctionne ici au profit d'une cause juste ne change rien à l'affaire, qu'un belge prenne parti pour les Palestiniens non plus, c'est la méthode qui est en cause.

Les allusions à la Palestine sont uniquement destinées au spectateur, ne jouent strictement aucun rôle pour les personnages. La prise de conscience d'un problème est imposée par le cinéaste, nullement partagée avec un personnage qui la découvrirait par l'incident du détournement d'avion. Il en est du reste souvent ainsi; c'est dans la violence, l'acte politique de provocation que les indifférents s'éveillent.

La fusion fiction/document s'est donc produite au plus mauvais niveau, celui qui prend le spectateur pour un imbécile à guider vers ce qui est juste, en séparant en deux le monde, les Méchants (tous) et les Bons (quelques Palestiniens), comme dans un western.

Ce film au scénario discutable, à l'esprit détestable est par contre bon. Il est nouveau dans le cinéma belge. Car Péché et Mertens passent avec finesse de séquences de documentation à la fiction à travers quelques personnages, avec une souplesse fluide qui manquait jusqu'ici en Belgique. Comme si les réussites d'hier en Tchécoslovaquie, d'hier et d'aujourd'hui en Suisse, avec Tanner et Soutter, en France avec Mitrani et Polac faisaient des jaloux.

Que le meilleur film francophone après ceux de Delvaux, bien entendu, soit celui-ci est regrettable, d'autant plus qu'un pas en avant est accompli.

Voilà qui souligne les qualités de Far-west, de Jacques Brel, plaisant par son humour, bon spectacle qui joue le jeu du western au premier degré, mais observe comment agissent des Belges qui se croient au far-west dans un décor d'usine abandonnée où l'on trouve de l'or, cet or qui brûle les doigts et modifie le comportement des hommes.

Reste à saluer l'approche juste, humble de François Weyer-gans qui, dans Je t'aime, tu danses, rend hommage à Maurice Bejart et à l'une de ses danseuses-étoiles, en montrant combien le travail de préparation d'un spectacle est chose simple et dure, combien des liens d'affection peuvent emporter ce travail vers les plus beaux résultats.

Quand le cinéma francophone n'est pas signé Delvaux, quand il n'imite pas les flamands, il donne l'impression de vouloir faire la même chose que le cinéma genevois en 35/cou-leurs et parfois en co-production, mais ne parvient qu'à faire des petits films sur de petits sujets avec des petits personnages, ce qui donne de petits résultats parfois plaisants.

Il faut donc se tourner vers un autre cinéma, expérimental, pour que quelque surprise survienne.

FRANZÖSISCHSPRACHIGER FILM

Das «Robotbild» des flämischen Films bestätigt sich teilweise auch beim französischsprachigen. Paul Roland (Le bas blanc) und Jean-Pierre Berkmans (La chambre rouge) sind gar nicht so weit entfernt von ihren flämischen Landsleuten.

Erstaunlich ist, dass die grossen Stoffe — die ein Land, das nicht nur sprachlich, sondern auch ökonomisch zweigeteilt ist, ohne Zweifel hat — kaum oder dann nur in ziemlich holzschnittartiger Weise vorkommen. Marian Handwerker macht es sich in La cage aux ours (1974) viel zu leicht: er teilt die Welt ein in die Guten (das sind die Militanten) und die Schlechten (das sind alle anderen). Man fragt sich, weshalb im französischsprachigen Film nicht die aggressive, beredte, spontane und menschliche Lebensqualität des Belgiers zum Vorschein kommt, die ein Team des belgischen Fernsehens vor kurzem anscheinen ohne grosse Schwierigkeiten gefunden hat, als es über einen wilden Frauen-Streik berichtete.

Nicht viel differenzierter als der Film von Marian Handwerker ist Pierre Manuels für die TV produzierter Film Les belles manières; wieder wird die Welt sehr rasch eingeteilt. Viel erwartete man in Belgien von einem Film, für den sich ein Spielfilm- und ein Dokumentarfilmautor (Pierre Mertens und Jean-Jacques Péché) zusammengetan hatten: «Histoire d'un oiseau qui n'était pas pour le chat». Und wieder kam es zu den gleichen langweiligen Polaritäten: hier Kapitalisten mit einem Schönheitswettbewerb, da Palästinenser, die für die Freiheit ihres Landes kämpfen. Mühsamst werden die beiden Welten zusammengeführt, nachdem zuerst alles mit einer plakativen Parallelmontage zusammengehalten wird; die Palästinenser entführen das Flugzeug mit den hübschen Mädchen, die sich zur Touristenwerbung haben missbrauchen lassen. Ein misslungener Film, und doch ein Fortschritt: in — leider recht missglückten Ansätzen — wird Gegenwart in den belgischen Film eingebracht. Manchmal bekommt man den Eindruck, dass der frankophone belgische Film — wenn er nicht von Delvaux stammt und nicht die Flamen imitiert — sich auf dem Weg zu Werken befindet, die man bereits mit dem Namen «Genfer Film» umschreibt. Bis jetzt erreichen die Imitationen die Originale allerdings noch nicht. (msch)

Freddy Landry
Keine Kurzbio vorhanden.
(Stand: 2020)
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