Nous donnons des renseignements sur le fonctionnement des aides de l'Etat, en suivant l'ordre des secteurs du tableau comparatif qui accompagne le texte «Cinéma belge – cinéma suisse».
Pour faire cette synthèse, sans citations précises, nous nous sommes entretenus avec Mme Jacqueline Pierreux, productrice, MM. Emile Cantillon, responsable du cinéma au Ministère de la culture française, Paul Davay, journaliste, responsable du service de presse du «Dixième festival du film belge», André Delvaux et Harry Kiimel, cinéastes, et Jacques Ledoux, directeur de la Cinémathèque Royale de Belgique. Entre eux, des nuances, pas de contradictions dans les faits, des divergences dans leur appréciation et les propositions pour l'avenir.
Ciné-Club et cinémathèque
(voir texte «La Cinémathèque Royale de Belgique».)
Promotion du cinéma national à l'interieur du pays
(voir texte «Cinéma belge – cinéma suisse».)
Promotion du cinéma national à l'étranger
Les Ministères de la culture française, de la culture flamande, des affaires économiques et des affaires étrangères soutiennent financièrement «Unibel-film», qui organisait à Bruxelles le premier «marché du film» parallèlement au «Dixième festival», représente le cinéma belge à l'étranger, édite les «press-books» de certains films, s'occupe des plus importants festivals pour lesquels des subventions extraordinaires peuvent lui être accordées. Le Ministère des Affaires étrangères achète des copies de nombreux films, les sous-titre et parfois participe à leur doublage, les fait circuler dans le monde entier par la valise diplomatique et contribue à l'or-ganisation de manifestations de présentation du cinéma belge. Il est difficile, même pour un belge, d'additionner toutes ces aides ordinaires et extraordinaires quand elles passent par diverses organisations et quatre ministères: on peut estimer leur total à quelques huit cent mille francs suisses (dix millions de francs belges).
Aides à la production par les ministeres de la culture
Dans le texte «Cinéma belge – statistiques», nous avons fourni quelques indications quantitatives sur les aides ministérielles et des différences entre francophones et flamands.
Le ministère de la culture française dispose actuellement d'un peu plus d'argent que le flamand. Mais la rivalité linguistique a des mérites: elle provoque la compétition et l'alignement sur le plus richement doté!
Il y a quelques années, l'aide pouvait être accordée à un cinéaste. Certains gonflèrent leur budget, en tenant compte de participations, ce qui est normal, mais en sur-évaluant certains postes, afin d'obtenir une subvention qui permette de réaliser le film avec le seul argent de l'Etat. Des films ne furent jamais terminés, d'autres changèrent passablement en cours de route. Vint le temps de la méfiance.
Par la suite, l'aide fut attribuée au producteur qui pouvait garantir la «bonne fin» du film. Les ennuis diminuèrent, les films se mirent à mieux 'ressembler à leur scénario. Mais les bonnes habitudes subsistent: les budgets continuent d'être gonflés pour que le film puisse être tourné avec l'argent de l'Etat et les prestations de service de l'infrastmeture du système de production. Personne ne prétend le contraire.
Certains réalisateurs reprochent aux producteurs de ne pas chercher d'argent liquide. Ils doivent avoir raison, puisque les distributeurs belges offrent rarement des avances de distribution pour les films belges. Et quand ils le font, elles sont relativement basses.
L'aide pour un film représente jusqu'à la moitié de la part belge, parfois plus, du côté flamand en particulier. Elle permet aussi d'éviter d'entrer dans de trop nombreuses coproductions où la Belgique serait minoritaire, au point d'y perdre tout caractère belge.
Distributeurs, producteurs, réalisateurs, techniciens ne font pas partie des commissions qui attribuent ces aides. Ils peuvent être appelés en consultation par elles. Ces commissions sont composées surtout de journalistes de cinéma, qui ont souvent une formation littéraire. Les dossiers sont donc préparés pour «séduire» les membres des commissions. Le plus facile, le plus sûr aussi, consiste à adapter un roman connu. Les bons scénaristes et les bons dialoguistes sont donc rares en Belgique, si les adaptateurs «littéraires» sont souvent habiles. On ne fait pas un film avec un texte littéraire seulement. Un film peut être «écrit». Encore faut-il qu'il rencontre de «bons» lecteurs.
L'aide va aussi bien aux projets commerciaux jugés de bonne valeur qu'au cinéma d'auteur. Le ministère de la culture française fait de sérieux efforts pour aider les débutants, dans le court métrage de fiction, non pour un seul film, mais pour plusieurs.
Le passage du court métrage au long métrage pose un problème qui n'a pas encore trouvé de solution. On sait maintenant la préférence marquée par le «système» en Belgique pour les produits tournés en 35 mm et en couleurs. Le saut peut être trop grand. De bons court-métragistes peuvent s'y casser les dents. Une fois encore, c'est au Ministère de la culture française que l'on s'interroge sur une formule qui reste à trouver, d'aide aux débutants, dans le long métrage cette fois. Car, en Belgique, il est considéré comme normal que la formation des débutants soit largement soutenue par l'Etat.
L'aide est remboursable, mais à raison d'un petit pourcentage (10 %) dès le premier franc de recette. Les montants sont mis sur un compte spécial qui vient augmenter les sommes à disposition des Ministères.
Les cinéastes et ceux qui ont d'abord des préoccupations culturelles souhaitent que soit admise une autre procédure. Dans un premier temps, le principe de l'aide serait accordé à un projet et à son réalisateur. Il s'agirait de préparer la production, de passer du duo sujet/réalisateur au trio sujet/ réalisateur/producteur pour permettre de prendre les décisions définitives d'octroi de l'argent par tranches liées au déroulement des différentes opérations de production, de tournage et de finition du film. Dans certains cas, le producteur pourrait être remplacé par une sorte de «coopérative» des collaborateurs du film.
Pour renverser le courant des adaptations littéraires, certains cinéastes souhaitent la mise au point d'une nouvelle mesure d'aide pour la préparation du scénario.
Aide du ministere des affaires économiques
Sur 100 francs versés à la caisse d'un cinéma, 15 à peu près reviennent finalement à la production, une fois les taxes communales, les parts salle et distributeur déduites.
Pour compenser cette imposition du cinéma, le Ministère des affaires économiques dispose d'un fonds d'aide, de cinq millions de francs suisses environ, qui va au oinéma belge, proportionnellement aux recettes faites par les films belges sur le marché belge.
Des commissions formées de représentants de milieux du oinéma, plus représentatives que compétentes semble-t-Li, décernent tout d'abord une sorte de «label» qui reconnaît à un film la qualité de film belge. Un long métrage ainsi «labellisé» a droit théoriquement au 13 °/o du montant total des recettes-salle, à condition qu'elles se fassent dans les trois ans qui suivent sa reconnaissance. Un critère permet de reconnaître les «bons» courts métrages des autres — les premiers ont droit alors au 5 °/o de la recette du film qu'ils accompagnent, les autres à 3 %. L'aide du Ministère est ensuite répartie proportionnellement au droit obtenu par les recettes du film (s'il s'agit d'un long métrage) ou du programme (s'il s'agit d'un court métrage).
Cette forme d'aide amplifie donc les succès commerciaux de longs métrages qui ne sont pas forcément obtenus par les meilleurs films. Elle contredit partiellement la politique des Ministères de la oulture. Mais elle peut être très importante, équivalente à la recette faite sur le marché belge, part production.
Les 5 % du court métrage sont souvent attribués à des «travellogs», films de voyage, commandités, qui deviennent ainsi de jolies affaires pour leur producteur. Celui-ci peut conclure un arrangement avec le distributeur et même le directeur de salle assez gentil pour montrer un court métrage belge, afin de se répartir un 5 % d'autant plus important si le film est associé à un succès commercial étranger.
Le court métrage, en Belgique, est donc souvent une bonne affaire. Il est rarement produit par un producteur seul, souvent avec l'aide du ministère ou d'un commanditaire.
Sous toutes ces formes, l'aide de l'Etat au cinéma reste indispensable dans un système mixte coincé entre la production d'Etat (URSS) et la libre entreprise (USA).
En Belgique, le conflit entre réconomie et la oulture semble d'autant plus vif que les aides culturelles sont importantes, tandis que persiste le rêve d'une industrie cinématographique. Pour le cinéma, mieux vaudrait jouer d'abord la culture, pour que l'économie — donc la rentabilisation — ne touche qu'une partie du film, celle qui n'est pas subventionnée, que ce soit par des apports d'argent liquide, des participations, des crédits, mais pas des sur-évaluations de différents postes.