FREDDY BUACHE

UNE MACHINE À FAIRE RÊVER — LA PALOMA DE DANIEL SCHMID

CH-FENSTER

Dans la subtile exégèse qu’il nous livre des Chants de Maldoror (in Lautréamont par lui-même. Ed. du Seuil, Paris 1967), Marcelin Pleynet, fort opportunément, insiste sur quelques sources «culturelles» dont procède cette œuvre majeure afin de mieux désigner toutes celles, non moins importantes, éparses et mal connues, qui se situent hors des savants relevés cadastraux de la soi-disant Grande Littérature: les histoires populaires en forme de feuilleton, les mélodrames, les récits dépourvus d’ambitions esthétiques malgré leur volonté d’art ou d’humanisme et qui, par leur trivialité sentimentale, constituent le fondement des pires conventions psychologiques prisonnières des stéréotypes larmoyants. Il montre, en se référant au texte, que l’auteur n’est pas dupe et qu’il choisit stierruTient des situations ou des développements que de piètres écrivains exploitent dans les genres les plus faciles, faisant mine lui-même de ne pas s’en distinguer: Inutréamont ne craint pas d’imiter les sujets du «roman noir», d’y enraciner sa rhétorique en vue non point de les briser, mais de les emplir d’une sève sombre et vénéneuse qui, de manière imperceptible, avec le temps, les métamorphose. De la sorte, l’allusion la plus rassurante pour la bonne conscience et la raison peut apparaître tout à coup monstrueuse, projetant en plein soleil (qui n’est pas celui, noir, de la mélancolie) l’ombre du fantastique.

Cette méthode créatrice, que les distraits pourraient croire proche de celle des plus méprisables plagiaires, garantit en vérité la plus authentique originalité décrasseuse de regards, car cette façon de remise à vif des consciences chloroformées par l’habitude sociale et mentale, s’effectue en force, de l’intérieur, sans recours à l’exhibitionnisme cher aux amateurs de mode qui sont éternellement les cocus du vieil art moderne. De nos jours, soumis au snobisme politique, au maniérisme de Ja déconstruction, au dandysme du marxisme, au faux chic du matérialisme, au new look du structuralisme, au baragouin psychanalytique, à des rites syntaxiques dignes des précieuses ridicules et à un volontarisme égoïste autant que naïf, les artistes qui se veulent de leur époque, mal conseillés par des commentateurs bavards, sont persuadés qu’il faut s’inspirer des décharges publiques pour bafouer le vieux langage bourgeois, promouvoir la lutte des classes et saisir l’homme dans sa totale réalité, hors de tout idéalisme. C’est à cette illusion que ne succomba pas Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont, qui pour écrire ses Chants de Maldoror, se plaça dans une posture telle que Pleynet peut dire à ce propos: «Il ne s’agit plus, dès lors, d’inventer de nouvelles formes qui se trouveront envahies et justifieront les anciennes, mais de «jouer» ces dernières en les répétant». Le mot «jouer» offre ici le double sens de feindre et de tromper. «Jouées», les anciennes formes devenues des clichés se voient ainsi, par conséquent, à la fois représentées fidèlement et, par cette fidélité même, fondamentalement trahies: impossible, à partir de là, de les récupérer pour les réajuster dans l’ordre de la banalité somnifère qui semblait, pourtant, les avoir engendrées. Ce processus créatif singulier que d’aucuns jugeront tributaire de la nostalgie est, au contraire, violemment éveil-leur et tourné pleinement, fouirnillant de présences, vers l’avenir; il permet de compreridre en profondeur l’attitude superbe de Daniel Schmid qui complique à plaisir la thématique un peu systématique de Heute Nacht oder nie et, dans La paloma, conduit sa poétique baroque beaucoup plus loin du côté de l’effusion sous les lieux communs proliférants, en se référant de manière explicite à un goût magnétisé par la passion du kitsch.

Schmid adore le cinéma de la surcharge embellissante (Stemberg, Stroheim) et, simultanément, il jubile au souvenir des opérettes viennoises, des mélodrames de rentre-deux-guerres, des outrances romanesques du genre de La dame aux camélias. D’ailleurs, une affiche de la version qu’en fit Carminé Gallone figure dans le décor avec d’autres documents éclairants pour l’appréhension des sens entrecroisés de La paloma, film dont l’intrigue n’est qu’un prétexte et dont le déchiffrage échappe à toute rationalité. Une chanteuse de cabaret de luxe, établissement que le oinéaste décrit d’un trait sûr et suave pour composer une atmosphère qui renvoie à Balthus, reçoit chaque soir l’hommage fleuri (un bouquet de roses jaunes) du Comte Isidor. Elle refuse toutes les avances de ce soupirant follement épris. Mais, brusquement, persuadée de n’avoir plus que quelques mois à vivre, elle accepte de suivre son admirateur. Il l’emmène vers les hôtels rococo de la Riviera: grâce à la douceur des climats, elle guérit. Il lui demande alors de le suivre en son château, puis réponse. Celle que l’on nommait La paloma lorsqu’elle chantait, se laisse fléchir sans peine car elle se considère comme morte; et si elle n’aime pas le Comte, elle aime néanmoins l’amour que le Comte lui porte. Un drame éclate: elle trompe son protecteur, puis elle meurt. L’ouverture de son testament fait se lever le vent du délire. Mais toute cette aventure, frangée de voluptés, ponctuée de tortures psychiques, ne fut qu’une fête fantasmatique née par «la force de l’imaginamtion».

Ce chant du désir et de la mort convoque (ainsi que le faisait Heute Nacht oder nie) les plus fabuleuses réminiscences et des mélodies célèbres sur fond d’indiscernable palpi-tement sourd pour animer une imagerie dont la picturalité symbolique, les allégories exquises ou funèbres, continuellement, investissent de vraie vie (la rimbaldienne, qui vient d’ailleurs) par la magie, nos émois. La paloma n’est pas un conte ou une parabole, mais une machine à faire rêver. Daniel Sclrmid y confirme ses dons de visionnaire qui sont le gage offert par sa sensibilité blessée au pessimisme face à notre société. Pour Schmid, en effet, le monde contemporain comme le cinéma qui se propose d’en porter témoignage sont exsangues. A ses yeux, plus rien ne respire dans le septième art depuis au moins un quart de siècle et plutôt que de participer à une entreprise de simulation révolutionnaire, il transfigure, à l’instar de Lautréamont, les signes routiniers en beauté convulsive. Puis il impose dans l’entrelacs des coeurs, afin de conjurer nos vertiges, nos angoisses et notre solitude par ce thrène somptueux, les infinies fascinations de l’amour.

Daniel Schmid: Ein Drama in der Glaskugel

Kino ist für mich Hören und Sehen. Und damit verbunden der immer wieder einsetzende Lernprozess, mehr zu hören, mehr zu sehen und mehr zu fühlen. Im reflektierten Film tritt die Form deutlich in Erscheinung. Die Tatsache der Bewusstwerdung der Form hat zur Folge, dass die Emotionen gleichsam gestreckt oder hinausgezögert werden. Denn in demselben Masse, in dem wir uns der Form bewusstwerden, erlangen wir eine gefühlsmassige Distanz; wir reagieren emotional auf eine andere Weise als im wirklichen Leben. Form-bewusstsein bewirkt zweierlei gleichzeitig: Es vermittelt ein vom «Inhalt» unabhängiges sinnliches Vergnügen und fordert zum Gebrauch des Verstandes heraus. Es mag — wie im Falle des vorliegenden Melodramas — eine Reflexion auf überaus reduzierter Ebene sein, die so provoziert wird. Aber eine Reflexion ist es dennoch.

Das typische Mittel der Prägung des «Inhalts» durch die «Form» ist die Doppelung. Symmetrie und Wiederholung in La paloma wird motiviert durch die Konzentration auf Viola und Isidor, während Raoul nur Auslöser des Melodramas wird und eigentlich «Aussenseiter» bleibt. Die äusseren Schauplätze ähneln Verstecken, sowohl das Bordell wie vor allem das Schloss.

Die Wiedergabe der besonderen Atmosphäre solcher Orte darf über ihre formale Bestimmung nicht hinwegtäuschen. Und der dramatische Stil, den sie ermöglichen, ist wie beim Konversationsstück auch hier mehr Schein als Wirklichkeit. Denn die Absolutheit solcher akzidentieller Situationen der Enge wird aufgehoben. Die innere Dramaitik wird gleichsam mit einer äusseren Epik erkauft; es entsteht ein Drama in der Glaskugel.

... La paloma handelt von Liebe, verstanden als eine absolute Fiktion. Nicht etwa, dass der Liebe gelegentlich ein Irrtum unterliefe: sie ist vielmehr ihrem Wesen nach ein Irrtum. Was man für eine Bindung an einen andern Menschen hält, entlarvt sich als ein neuer Tanz des einsamen Ichs. Damit wird die Liebe zu einem Medium des Selbstausdrucks.

... La paloma ist ein Film über ein Verhältnis. Ich glaube, dass es in Verhältnissen keine Schuldigen und keine Unschuldigen gibt. Es gibt nur ein Verlangen und ein Angebot, die eins im andern verstrickt sind, Das heisst nicht, dass jener, der verlangt, unschuldig ist, und jener, der anbietet, schuldig, oder umgekehrt.

La paloma. Première: Cannes 1974. Production: Citel Films, Geneve; Artco Films, Zürich; Les Films du Losange, Paris. Scénario et réalisation: Daniel Schmid. Images: Renate Berta. Son: Luc Yersin. Montage: IIa von Hasperg. Musique: Gottfried Hünsberg, Peer Raben. Producteurs: Yves Peyrot, Yves Gasser, Eric Franck. Interprètes: Ingrid Caven (Viola Schlump dite La paloma), Peter Kern (Comte Isidor Palewski), Peter Chatel (Raoul), Bulle Ogier (La Comtesse Palewski), Jeröme-Olivier Nicotin, Beatrice Stoll, Ludmilla Tucek, Manon, Irène Olgiati, Pierre Edernac. 35 mm, 110 min., couleurs.

EINE TRAUMMASCHINE

Lautreamont hat es bereits in Chants de Maldoror versucht: Den Schmuggel von Gift in literarische Trivialformen. Einer seiner Exegeten schreibt: «Es handelt sich von jetzt an nicht mehr darum, neue Formen zu erfinden, die die alten nur rechtfertigen, sondern mit diesen alten zu spielen, indem man sie wiederholt.»

«Gespielt» werden die alten Formen, die bereits zu Klischees erstarrt sind, treu wiedergegeben und — durch ebendiese Treue — verraten. Dieser kreative Prozess, den einige nostalgisch nennen mögen, ist das Gegenteil davon: auf die Zukunft gerichtet. Er liegt Daniel Schmids Heute Nacht oder nie und, weiterentwickelt, in herausgetriebener Art La paloma zugrunde.

In La paloma ist die Intrige nur ein Vorwand und rational nicht nachvollziehbar. Die Geschichte des Grafen Isidor und der Sängerin La paloma, dieses ganze Abenteuer, wollüstig und seelenpeinigend, ist nur ein phantasmagorisches Fest, eingegeben von der «Kraft der Imagination». La paloma ist weder eine Geschichte noch eine Parabel, sondern eine Maschine, die Träume provoziert. Daniel Schmid bestätigt darin seine visionäre Begabung, die der Gewinn seiner von unserer Gesellschaft verletzten Sensibilität ist. Für Schmid ist die Gegenwart wie jener Film, der diese Gegenwart bezeugen will, blutlos. Seiner Meinung nach lebt in der Siebenten Kunst nichts mehr seit mindestens 25 Jahren. Und eher als teilzunehmen an einer simulierten Revolutionierung, überführt er — vergleichbar Lautreamont — die erstarrten Zeichen in konvulsivische Schönheit. (msch)

Freddy Buache
Keine Kurzbio vorhanden.
(Stand: 2020)
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